[ANALYSE - HISTOIRE DES ARTS COLLEGE] Court-métrage "Hé Mademoiselle"
Les rédactrices du site NAARI - Parce que nous sommes des femmes, blog consacré à la représentation des femmes dans la publicité et dans la communication en général, ont écrit un article sur le court-métrage "Hé Mademoiselle" des étudiants de l'ESMA.
Cela m'a rappelé mon épreuve d'Histoire Des Arts pour le brevet des collèges, où j'avais également analysé ce court-métrage.
J'ai donc souhaité partager avec vous, lecteurs de ce blog, lecteurs du site NAARI, et ceux qui sont intéressés par ce sujet, le travail que j'ai réalisé il y a 2 ans !
Le bel article de NAARI, écrit par Marion Worms : http://naari.iscom-digital.com/2017/12/07/he-mademoiselle-court-metrage-harcelement-de-rue/
Le court-métrage de l'ESMA, 2015: https://www.youtube.com/watch?v=_a1USD2-WyU
Mon dossier pour l'épreuve d'Histoire Des Arts (Brevet des Collèges 2016) :
Introduction :
Titre : Hé Mademoiselle (Le titre renvoie à une interjection synonyme
de harcèlement de rue.)
Genre : film d’animation musical
Durée : 5 minutes
Réalisation : dans le cadre d’un
projet de fin d’étude à l’ESMA (Ecole Supérieure des Métiers Artistiques, à Toulouse)
, par 5 étudiants : Claire Bataille, Victor Dulon, Pierre Herzig, Gael
Lang, Léa Parker, en 2015.
La réalisation de ce court-métrage a demandé
12 mois de travail à l’équipe.
Domaine : art du visuel.
Thématique : Art, création,
culture
Prix : Il a remporté le grand prix
du jury du festival étudiant Polycule de Bruxelles, il a également été
sélectionné au festival de courts-métrages et nouveaux talents Cinemator de
Carros et retenu pour le Multivision film festival de Saint-Pétersboug.
Situer l’oeuvre dans son contexte
historique
Le
thème du harcèlement de rue touchait et intéressait beaucoup l’équipe de ce court-métrage,
qui a souhaité sensibiliser le grand public à ce sujet méconnu. En cinq
minutes, ce dessin animé explore tous les archétypes du harcèlement de rue et
toutes les formes qu’il peut prendre, mais va plus loin encore en interrogeant
plus globalement sur la place de la femme dans la société.
Le
but de l’équipe était de ne pas tomber dans le politiquement correct, et donc
d’être dans l’émotionnel, le viscéral, quitte à provoquer des réactions parfois
virulentes du côté du public.
Réactions du public : En effet, les
réactions des internautes ont été violentes. Ils ont reproché à l’équipe un
manque de nuance, un manque de mixité entre les personnages, et la mise en
scène d’un personnage féminin qui ne représenterait pas toutes les femmes. Mais
l’équipe du film se réjouit de ces réactions, car cela leur prouve qu’ils n’ont
pas réalisé un court-métrage tiède, mais virulent et polémique. Léa Parker
explique que c’est le meilleur moyen de faire parler de ce sujet.
Son message : L’objectif de ce
court-métrage est de dénoncer et de sensibiliser à ce genre de comportement, qui
constitue une pratique courante et pas uniquement dans la rue, puisque selon le
rapport de 2015 du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 100
% des femmes se sont déjà faites harceler dans les transports.
Le
message de ce film est aussi de parler du sexisme et de la place de la femme
dans notre société.
L’idée
de base de ce court-métrage est de créer un contraste pour alléger le propos et
pour illustrer la différence de perception de ce phénomène entre ceux qui en
sont victimes et ceux qui ne le subissent pas.
Dans
mon développement, je vais tenter de répondre à la problématique suivante:
Comment
le traitement du harcèlement de rue dans ce court-métrage renvoie-t-il plus
globalement à une réflexion sur la place de la femme dans la société ?
Forme
Pour
traiter ce sujet, les étudiants ont choisi la forme de la comédie musicale et
l’humour, afin de « l’enrober et de le colorer », explique Victor
Dulon, le réalisateur. Leur objectif n’était pas d’être donneur de leçon, ils
voulaient décaler ce sujet afin d’alerter sur ce problème et de lui apporter de
la légèreté.
Les réflexions dans ce court-métrage sont tirés de
l’expérience personnelle des réalisateurs, mais aussi des témoignages des femmes
que l’on peut trouver dans des sites comme Harcèlement de rue (http://harcelementderue.tumblr.com/)
ou encore Paye ta schneck (http://payetashnek.tumblr.com/).
La vision que ce court-métrage donne des potentiels
harceleurs de rue, des hommes blancs, bien habillés, en gêne certains mais
c’est une réalité que l’équipe a voulu montrer : des fils de bonne famille
ont aussi ce comportement.
Le dessin en 3D est semblable à celui des dessins animés
comme les Disney, les Pixar. C’est un dessin doux et coloré, les personnages
ont des grands yeux, ils sont lisses, et cela s’apparente aux contes de fées.
Il y a donc un réel décalage entre l’ambiance qu’instaure le dessin, et
l’intrigue de ce court-métrage, à savoir le harcèlement de rue, un sujet
sensible et violent.
Le personnage principal, la jeune femme Zoé, est habillée en
jupe patineuse jaune, une ceinture rouge et un débardeur blanc. Elle est grande
et fine. Son physique correspond à celui des princesses Disney, mais elle a des
cheveux courts et roux, ce qui est rare et ce qui ne correspond pas aux diktats
de la société.
La musique est du style jazz, avec beaucoup de cuivres.
On
remarque que les paroles sont sous-titrées en anglais, afin de toucher un
public le plus large possible.
Presque tous les dialogues sont chantés, et il y a beaucoup
de mouvements chorégraphiés et de danses : faisant ainsi penser aux
comédies musicales joyeuses, et tranchant avec l’histoire racontée. En effet,
les hommes qui abordent de manière explicite Zoé sont lourds mais le fait
qu’ils le fassent en chantant crée un décalage.
Description :
L’extrait
que je vais vous présenter du court-métrage Hé Mademoiselle se situe à 2min38.
2min38 à 2min 44 : tous les hommes
qui ont harcelé Zoé précédemment se regroupent en bande pour tenter de la
convaincre d’accepter leurs avances. Elle est de dos et se recule au fur et à
mesure qu’ils avancent.
2 min 44 à 3min : Zoé se retourne
et part d’un pas décidé. Les harceleurs dansent comme les Jets et les Sharks
dans West side story , en même temps, avec des mouvements précis et en
claquant des doigts.
West Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise
La
caméra passe de la chorégraphie des garçons à Zoé en faisant un gros plan sur
le postérieur de cette dernière : j’imagine que c’est pour montrer l’objet
principal de la convoitise des hommes.
Les
personnages sont dans une rue petite, sombre : les chances qu’a Zoé
d’échapper à ses harceleurs s’amenuisent. De plus, la musique devient
angoissante : on comprend que quelque chose de violent va se passer.
Il y
a ensuite un plan d’ensemble pris du ciel : on voit Zoé se séparer
définitivement du groupe d’hommes en passant de l’autre côté d’une arche
habitée. On voit très nettement les hommes continuer leur danse en formation en
V, quasiment militaire: ils sont donc très organisés et unis, tandis que Zoé
est seule (disproportion des forces en présence, et crainte du pire).
3min à 3min 27 : Zoé, qui s’était
plaquée contre un mur, voit passer devant elle le groupe d’hommes. On remarque
qu’au moment où ils disparaissent et où elle peut enfin respirer, la luminosité
change et devient plus claire. Toute l’image change d’ambiance lorsque le
danger principal s’écarte. Mais elle est embêtée et agressée même par un chien
qui est au départ très mignon : elle le balance d’un coup de pied, et ce
geste marque le début d’une nouvelle partie.
3min 27 à 4min 40:
La caméra
effectue un 360° autour de Zoé, ce mouvement commence face à l’héroïne pour se
mettre derrière elle. Même si Zoé est toujours seule, le fait qu’elle soit au
premier plan la place en figure de domination face aux hommes, qui paraissent
tout petits sur cette grande place, pris au piège.
Au craquement
de main de Zoé (d’habitude « réservé » aux hommes), la nuit tombe et
des lumières s’allument sur les immeubles : c’est l’instauration d’un
climat de vengeance.
Les
hommes se livrent à une chorégraphie qui n’a rien de doux et de romantique
comme avant ; c’est tribal et fort. Tout en réalisant des sauts légers, presque
des pas de danse classique, Zoé met à terre tous ses agresseurs. Il y a ensuite
un gros plan sur le chien se cachant les yeux, horrifié par les bruits de
combats en fond. Le combat se termine par le coup fatal de Zoé dans les parties
intimes d’un des harceleurs, puis il y a un noir et un arrêt de la musique qui
pourraient signer la fin de la vidéo.
Finalement,
Zoé rentre chez elle, il fait jour à nouveau: on remarque dans le salon son
compagnon, qui lui demande comment s’est passée sa journée. Avec nonchalance (feinte
ou pas), elle lui répond « Oh, la routine » : soit elle ne
souhaite pas lui dire ce qu’il s’est passé, soit ses agressions n’ont pas tant
d’importance que ça car c’est réellement son quotidien. Dans les deux cas,
c’est assez alarmant sur ce que vivent les femmes et sur le caractère courant
du harcèlement de rue.
En
outre, la dernière réplique est très représentative de la place de la femme de
la société : « Chérie, quand est-ce qu’on mange ? ». On
peut qualifier cette remarque d’indirectement sexiste : elle ramène la
femme à un unique rôle de nourricière, comme si son compagnon était un enfant.
Conclusion
Le
traitement du harcèlement de rue dans ce court-métrage renvoie plus globalement
à une réflexion sur la place de la femme dans la société pour plusieurs
raisons :
La
femme est tout d’abord réduite à un objet de convoitise sexuelle qui n’a pas
droit de refuser des avances, puis elle est représentée comme une femme qui
prend sa revanche et sait mettre à terre plusieurs hommes, comme une battante
qui ne laisse pas la peur prendre le pas sur ses droits.
Les
hommes, eux, sont représentés tour à tour comme des adultes immatures et comme
des enfants incapables de se prendre en main, dépendants des femmes et indécis,
que ce soit à la maison ou dans la rue où ils n’hésitent pas à arrêter toute
activité, voire à quitter leur épouse pour faire des avances à une jeune femme.
Ce
court-métrage évoque donc de multiples réalités quant à la place de la femme
dans la société, mais il ne donne pas à la femme l’image d’une victime, plutôt
celle d’une personne qui a autant de pouvoirs qu’un homme, même si elle doit se
battre pour s’imposer.
Pourtant,
en France et en 2016, les hommes perçoivent en moyenne un salaire supérieur de
23, 5 % à celui des femmes, et les femmes passent 2 fois plus de temps que les
hommes à faire le ménage et à s’occuper des enfants à la maison selon l’INSEE.
De
plus, il s’agit évidemment d’une œuvre engagée car le spectateur est interpellé
par le comportement du compagnon de Zoé à la fin : après avoir mis à terre
4 hommes : que va-t-elle bien pouvoir lui répondre ?
Ce
court-métrage me plaît énormément pour tous les messages sur la femme qu’il
véhicule, et pour l’actualité de ces propos.
Faire un
rapprochement avec une autre œuvre
En novembre 2015, une campagne de lutte contre le
harcèlement des femmes dans les transports est mise en place dans les métros et
gares. Cette campagne se nomme « Stop, ça suffit » : le
gouvernement veut freiner le harcèlement des femmes.
Merida, dans Rebelle en 2012
C’est
une princesse Disney qui refuse le destin qu’on lui impose : elle brise
tous les codes de la princesse parfaite : cheveux bouclés et roux,
sportive. La symbolique de la robe qui craque est forte car la robe représente
le carcan des princesses, ainsi que la blessure faite à la joue par sa dernière
flèche, qui symbolise les sacrifices qu’elle doit faire pour décider seule de
son destin.
Merida
ne veut pas du prince charmant et s’oppose à sa mère. Elle veut prendre sa
propre main pour ne pas avoir à obéir aux diktats que lui imposent ses parents.
Elle
se libère de son futur, et établit son propre ordre contre l’ordre établi.
Mais
il n’y a pas seulement les artistes qui s’engagent contre le sexisme, il y a
aussi les politiques, comme le prouve cette récente lettre de 17 anciennes
ministres, harcelées sexuellement sur le lieu de leur travail.
L’appel
a été signé le 14 mai 2016 par Roselyne Bachelot, Michelle Demessine, Cécile
Duflot, Elisabeth Guigou, Aurélie Filippetti, Chantal Jouanno, Nathalie
Kosciusko-Morizet, Christine Lagarde, Marylise Lebranchu, Corinne Lepage,
Monique Pelletier, Fleur Pellerin, Valérie Pécresse, Yvette Roudy, Catherine
Trautmann, Dominique Voynet, Rama Yade.
-
Rédigé par Antonia T., tous droits réservés.
Merci de me contacter par mail etincellesdeplume[at]gmail.com et de me créditer si vous utilisez mon travail.
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