RENTRÉE LITTÉRAIRE: Neverland de Timothée de Fombelle
« J’apprenais que ce que l’on fait
nous dépasse quelquefois. C’est une histoire de confiance et de liberté. On
n’est jamais à l’abri que ça marche. Ça ne sera pas notre faute. Ça peut venir
de l’ennui, de la fièvre, et du désordre d’un tiroir.
On ne sait pas. » (p.102)
On connaît Timothée de Fombelle pour
ses grands succès en littérature jeunesse: Vango, Tobie Lolness, Le livre de Perle... Son style, une écriture ciselée et poétique, transporte
le lecteur dans un univers parfois très proche du nôtre ou au contraire, dans
une dimension parallèle. À chaque fois, c'est une invitation au voyage, une
invitation à changer de perspective, à se jeter à corps perdu dans une quête
pour trouver, ou retrouver, le sens de la vie. Ses personnages aux facettes
multiples, mystérieux et attachants, sont devenus des figures emblématiques
chez des lecteurs nombreux et fervents, enfants, adolescents et adultes. Nous
sommes tous touchés par ces ouvrages qui marquent les consciences et continuent
de nous accompagner bien après le livre refermé.
En février 2016, au Salon du Livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Timothée de Fombelle m'a confié qu'il partait en Afrique pour l'écriture de son prochain roman (pour voir l'interview en entier, rendez-vous ici : https://www.youtube.com/watch?v=SGuwvgUY55U).
En février 2016, au Salon du Livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Timothée de Fombelle m'a confié qu'il partait en Afrique pour l'écriture de son prochain roman (pour voir l'interview en entier, rendez-vous ici : https://www.youtube.com/watch?v=SGuwvgUY55U).
Ce roman, le voici. On caresse la
couverture comme si un secret se cachait dans ses rainures ; l’orange vif
mêlé au gris perle tranche avec un blanc pur ; les pages au grain épais
nous résistent. La poésie commence dès que l’on ouvre ce livre-objet pour la
première fois.
À l'intérieur, nous découvrons le récit
d'une quête, d'une recherche désespérée dans laquelle nous suivons pas à pas
l'auteur. Écrit à la première personne, destiné à un lectorat adulte (mais
accessibles aux adolescents, bien entendu !), Timothée de Fombelle retrouve les
chemins de son enfance, en Afrique ou dans les Sèvres nantaises.
C'est une réflexion sur le temps de
l'enfance, un roman d'aventures lyriques et concrètes tout à la fois - on
imagine cet écrivain se tapir dans la neige, passer par-dessus les portails,
scruter la rive d’un fleuve.
Il ne se contente pas d’évoquer son
passé, il le fait revivre, sous nos yeux.
Un spectacle d’ombres chinoises où le
drap blanc tomberait en plein milieu de la représentation.
« Un jour, on surgit.
On prend des airs de compassion. Comme si l’enfance était une maladie qui finirait par s’arranger. On s’approche des petits, on remplit leurs mains et leurs jours.
On prend des airs de compassion. Comme si l’enfance était une maladie qui finirait par s’arranger. On s’approche des petits, on remplit leurs mains et leurs jours.
On leur apprend qu’ils peuvent tomber.
On devance leur faim.
On les occupe.
On décide de donner un nouveau nom au
temps long de l’enfance. On l’appellera l’ennui.
Ainsi commence l’occupation. »
(p.41)
Page après page, on découvre le long
processus qu’a entamé Timothée de Fombelle : se reconnecter avec son
passé, retrouver l'enfant qu'il était, celui qui dort dans la maison de ses
grands-parents, courir après la magie de ces années qui glissent entre les
doigts. La mémoire de ces retrouvailles est consignée dans Neverland, un
récit qui part du passé pour construire un futur. On comprend mieux le besoin de
Timothée de Fombelle d’écrire pour la jeunesse: son grand-père qui lui
citait de tête Cyrano de Bergerac, les incroyables aventures vécues avec
ses frères, l’exil en Côte d’Ivoire et au Maroc avec ses parents pendant
quelques années, autant d’aventures qui forment et fixent l’enfance comme
l’instant de tous les possibles.
Timothée de Fombelle ne se plonge pas
uniquement sur son enfance, mais il y retourne, corps et âme tendus dans ce but
ultime.
Ce roman met en lumière ses précédents ouvrages, son parcours, pose les
jalons de son œuvre, et résonne comme une renaissance nécessaire.
Une magie mélancolique qui nous
enchante, joyeuse et triste, belle et un brin terrifiante. Une centaine de
pages de courses effrénée.
J’ai été interpellée par les liens que
l’on peut faire entre l’enfance qu’il recherche, et le bonheur de la vie que Créon
demande à Antigone de retenir (par Jean Anouilh). J’ai retrouvé dans ces deux
œuvres une semblable métaphore pour une recherche urgente, vitale. D’un côté,
Fombelle : « Je me souviens de ce besoin qui m’a envahi un jour
d’attraper l’enfance pour la tenir, comme dans une cage entre mes mains fermées,
et la montrer aux autres en écartant doucement les doigts. » (p.11) ;
de l’autre, Anouilh : « Ferme tes mains, ferme tes mains, vite.
Retiens-la. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu’on
grignote, assis au soleil. » (p.91)
Encore une fois, Timothée de Fombelle
nous étonne, nous surprend. Nous sommes face à un parcours initiatique, mais ce
n'est pas un enfant qui grandit, c'est un adulte qui se met à hauteur de son
enfance, afin d’en retrouver le goût. C'est un conte, un poème, une ode. On
voudrait le lire aux petits qui nous entourent, leur dire de ne jamais grandir,
de profiter, surtout, car : "On fait semblant d'être grand. Et, dans
le meilleur des cas, je crois, on fera semblant toute sa vie."
Fombelle tangue entre imaginaire, souvenirs de son passé, et compte-rendu journalistique de cette incursion au centre du monde de Peter Pan. La poésie est un liant essentiel pour donner corps et présence à ses souvenirs et son voyage.
On termine ce livre avec l'envie d'en savoir plus sur l'enfance de cet auteur, qui se faufile dans notre cœur, et avec une fausse timidité nous prend par la main pour se dévoiler.
Peut-être qu'un jour j'aurais, moi aussi, l'envie de me
replonger dans mon enfance, revenir sur ses lieux, retrouver ses lettres,
suivre mon ombre et me cacher pour observer.
Mais pour le moment, je me suis
laissée emporter dans ce tourbillon des souvenirs d’un autre, (et je compte
bien vivre avec passion la fin de mon enfance – si elle se termine un jour) !
NEVERLAND – Timothée de Fombelle
Éditions L’Iconoclaste – 16 € - 117 pages – 30 août 2017
Je tiens à remercier les éditions L'Iconoclaste pour cet envoi !
Belle chronique :) j'ai très envie de découvrir cet auteur sous un autre jour, avec ce nouveau livre !
RépondreSupprimerMerci ! Il est vrai que c'est très différent de ses ouvrages "jeunesse" !
SupprimerTrès belle chronique, pour ce roman de la rentrée littéraire qui me tente particulièrement bien :)
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
SupprimerJe reste très intriguée par la plume de cette auteur ! Ta chronique est vraiment très bonne merci :)
RépondreSupprimerJ'espère que tu auras l'occasion de le découvrir ! Merci à toi ! :)
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