1,2,3...Foulard d'Eric Sanvoisin

"Dans le baiser de la Mort,
Il y a de l'amour,
Qui t'emporte..."
p.111


1,2,3...Foulard d'Eric Sanvoisin, 
parution en 2014, 149 pages, éditions Gründ,
ISBN: 978-2-324-00868-9

Synopsis:

"Certains l'appellent le jeu du foulard. Nous, on préfère le jeu des étoiles filantes. C'est plus fidèle à la réalité. Car des étoiles, on en voit des tonnes!"
Pendant une seconde, je me suis interrogée sur le possibilité que le voyage soit sans retour. J'avais les mains moites. J'ai cherché le regard de Jordan. Son sourire m'a rassurée.

Mon avis:

Je savais que cette lecture allait être douloureuse, et pourtant je ressentais un besoin très fort de le lire, de me mettre devant ces mots et de tenter de les digérer.
J'ai été happée par ces jeunes collégiens, cruels et fascinants à la fois.

Charlotte est une enfant en recherche d'amour: un sentiment auquel on peut tous s'identifier, un sentiment par lequel on passe souvent dans notre vie. 
Mais les frontières sont minces, et elle était un peu trop fragile, et le clan des étoiles filantes un peu trop secret, un peu trop attirant à ses yeux. Et l'amour, brutal, nouveau, incontrôlable, l'aurait fait accepter n'importe quoi.
Du haut de leurs 12 ans, ces jeunes collégiens utilisent le jeu des étoiles, qui consiste à retenir sa respiration, jusqu'à s'évanouir et voir des étoiles, comme une drogue. Roman destiné à la jeunesse? Mais qui parle d'un "simple" jeu comme il le ferait d'une secte. Le gourou, Jordan, garçon séduisant mais inaccessible, crée le clan des étoiles avec des gens de "confiance", dans le plus grand des secrets. Ils partent en voyage, tour à tour. Ça fait mal, mais ils continuent. 
Charlotte, timide et mal dans sa peau, change du jour au lendemain après son premier voyage dans les étoiles, car elle a l'impression qu'une relation de confiance s'instaure entre elle et les autres du clan des étoiles. Une forme d'addiction se forme, liée à ce qu'on ressent et liée aux personnes qui nous accompagnent dans ce voyage. Le groupe est un élément majeur dans ce roman, car c'est un élément majeur au collège.

Mais surtout, ne jamais s'étrangler seul. Sauf que s'ajoutent à ces séances du jeu des étoiles filantes les problèmes au collège, les trahisons (sa mère biologique qui reprend contact)... J'aurais voulu pouvoir secouer Charlotte, lui dire de se réveiller, de ne plus faire ça pour les beaux yeux de Jordan, personnage qu'on sent tellement dangereux. En même temps, je ne peux que comprendre les raisons qui la poussent à continuer ce jeu. Car en approchant de la Mort, même de très près, tout ce qu'elle ressent, ce n'est pas la peur, mais la vie, et surtout l'amour, plus que jamais présent.


Ce qui a gêné pas mal de lecteurs, à en croire les chroniques que j'ai lues, ce sont les éléments "peu crédibles", comme les rapports entre adolescents, ou encore le fait que le personnage principal soit une enfant au lourd passé, alors que tous peuvent être confrontés à ce jeu. Certes.
Mais pour moi, il y a une sorte de double récit. D'un côté, Charlotte, en famille d'accueil, qui fait son entrée au collège, mal dans sa peau. Elle est attirée par ce groupe secret, "le clan des étoiles", et ne comprend pas, n'arrive pas à distinguer le bien du mal. Elle est aveuglée. 
Ce n'est pas tout, car en filigrane, ces adolescents censés être en 6ème-5ème, pourraient tout aussi bien être en début de lycée. 
Et je ne vois pas cela comme un défaut, mais comme une prouesse littéraire! On sent bien la complexité des personnages, leur personnalité qui se dévoile. Je pense qu'Eric Sanvoisin a voulu écrire un roman pour la jeunesse, pour mettre en garde contre un jeu de cour de récréation, mais en élevant le débat. Il y incorpore des éléments semblables à ceux que l'on trouve dans les romans young adult (parlant le plus souvent de lycéens/jeunes adultes), et dans ceux qui traitent des drogues, sectes... 
Pour moi, c'est un roman à double message. 

Qu'ils aient 12 ou 17 ans, les dialogues, les situations, auraient été les mêmes. Le jeu (ici le jeu des étoiles), peut-être pas. Les ressemblances avec la prise de drogue et/ou d'alcool, ou tout autre activité dangereuse, qui met dans un état second, se glissent au fil du récit.

Eric Sanvoisin utilise le jeu du foulard pour parler du besoin de prendre des risques, de ressentir des sensations fortes, d'approcher la Mort de très près, pour se sentir vivant. 
Je pense que les lecteurs qui disent que les rapports entres jeunes collégiens ne sont pas comme le montre ce roman, ont raison et tort à la fois.
D'un côté, oui, ce n'est pas l'image que l'on a d'habitude des collégiens, et ces rapports peuvent être aussi très présents au lycée. 
Néanmoins, il se passe beaucoup de choses au collège. Oui, on peut vivre un amour fort et démesuré, on peut se mettre en danger, des élèves peuvent être instables... Ne vous fiez pas aux apparences et prenez ce roman comme il vient.


"Je voulais qu'on m'aime... Là, tout de suite, et pour toujours." p.96



Il m'a fait penser à un film actuellement au cinéma, Le Nouveau. Plus pour la cruauté de certains élèves que pour le cœur du sujet de "1,2,3...Foulard", qui n'est pas présent dans ce film; mais il me semble qu'ils se complètent assez bien. En tout cas, je vous le conseille car il est cruel, tout en restant léger. Une drôle d'ambiance, assez réaliste.



Un roman qui traite d'un sujet sensible de manière incisive et profonde.
Une histoire vertigineuse, qui pourra rappeler d'amers souvenirs aux actuels et anciens collégiens/lycéens. 

Commentaires

  1. Un sujet pas facile, je ne pense pas le lire même si ta chronique donne envie :)

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    1. Je comprends, même si l'histoire n'est pas uniquement centrée sur ce jeu, ce qui la rend donc un peu moins dur à lire! :)

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  2. Le sujet est peut être un peu trop dur pour mes besoins actuels... Mais ça doit être une histoire forte et charmante je n'en doute pas.

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    1. Il faut se sentir prêt pour ce genre de romans, et ne pas se forcer! ^^

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  3. Ce roman a l'air dur et beau en même temps. Maintenant je n'ai qu'une envie : le lire même si je sais que j'aurais du mal avec le sujet quoique c'est peut-être la raison. J'en sais rien mais je veux trooop le lire !!!

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    1. C'est exactement le même sentiment que toi qui m'a poussé à lire ce roman, alors fonce!

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