En finir avec Eddy Bellegueule d'Édouard Louis


"Il fallait fuir.
Mais d'abord, on ne pense pas spontanément à la fuite parce qu'on ignore qu'il existe un ailleurs. On ne sait pas que la fuite est une possibilité. On essaye dans un premier temps d'être comme les autres, et j'ai essayé d'être comme tout le monde." 
p.154



En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis,
parution en 2015, 218 pages, éditions Points,
ISBN: 978-2-7578-5297-2


Synopsis:

En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.

Mon avis:

En mai dernier, une adaptation en pièce de théâtre de En finir avec Eddy Bellegueule, mise en scène par Richard Brunel, avait été créée dans ma ville. Je n'avais pas pu y assister, mais j'en avais beaucoup entendu parler. Dès ce moment-là, j'ai eu très envie de lire ce roman, traduit dans une vingtaine de langues.
Ce n'est que maintenant, alors qu'est sorti depuis peu le second ouvrage d’Édouard Louis Histoire de la violence, que je me suis enfin attelée à cette lecture. 


Ce roman est le récit de l'enfance d’Édouard Louis (dans les années 1990-2000, en Picardie), qui commence par une entrée en matière abrupte et profonde, comme le montre la première phrase: "De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux.". 
Le jeune adolescent Eddy Bellegueule (il a changé de nom en 2013) a 10 ans au début du récit, et il vient d'entrer au collège. La violence et la notion d'homosexualité, deux "thèmes" clés de ce roman, maintes fois retournées, exploitées, disséquées, sont abordées dans les premières pages, en guise d'introduction et de porte d'entrée dans la vie tourmentée d'Eddy. 

L'introduction, et les évènements qui y sont relatés, reflètent avec exactitude le ton du roman et le genre de situations auxquelles sera confronté Eddy Bellegueule (même si nous ne sommes pas au bout de nos surprises). Cela nous donne une sorte d'avant-goût amer et terriblement attirant, grâce à l'indéniable talent littéraire d’Édouard Louis qui, avec des mots qui repoussent et dégoûtent, parvient à nous captiver.

Le récit enchaîne avec la description de sa famille, membre par membre, et de l'environnement dans lequel Eddy Bellegueule a évolué. Des sortes de thématiques qui rythment le roman, et qui rendent ce roman autobiographique et classé "récit d'enfance" à son premier objectif, celui de tenter de comprendre son enfance et ses origines, comme il l'explique sur la quatrième de couverture.

"Elle ne comprenait pas que sa trajectoire, ce qu'elle appelait ses erreurs, entrait au contraire dans un ensemble de mécanismes parfaitement logiques, presque réglés d'avance, implacables. Elle ne se rendait pas compte que sa famille, ses parents, ses frères, sœurs, ses enfants même, et la quasi-totalité des habitants du village, avaient connu les mêmes problèmes, que ce qu'elle appelait donc des erreurs n'étaient en réalité que la plus parfaite expression du déroulement normal des choses." p.64

Des descriptions d'agressions, terriblement difficiles à lire -impossible de s'imaginer les subir-, jalonnent le récit et font partie des particularités de ce roman autobiographique.
Effectivement, les procédés littéraires qu'utilise cet écrivain sont nombreux: il n'y a pas de dialogue, les paroles sont glissées au fil du récit, sans autre distinction que le fait d'être en italique (vous pouvez le remarquer dans la citation ci-dessous).

 "Ma mère qui disait (aussi) Les maux de dos dans la famille c'est génétique, et après avec l'usine c'est dur sans s'apercevoir que ces problèmes étaient non pas la cause, mais la conséquence du caractère harassant du travail de l'usine." p.37

L'horreur des mots et des images m'a fait perdre le sommeil quelques heures.
Une enfance terrible que j'ai grand peine à imaginer, tant elle est loin de ce que j'ai vécu, et de ce que l'on peut voir en ville aussi.
Puis, finalement, durant l'épilogue, l'envie d'en savoir plus a pris le dessus sur le dégoût... L'envie d'en savoir plus sur cet enfant des campagnes homophobes et racistes, qui a osé et a réussi à échapper à ce qu'il décrit comme un véritable système, le broyant ontologiquement. 
Son nouveau roman va bientôt rejoindre ma P.A.L, c'est certain. 



 Un roman autobiographique troublant, qui ouvre et creuse des sujets particulièrement sensibles, sur l'homophobie, sur les déterminismes sociaux, et sur ce garçon, qui après s'être plié à la violence et à l'intolérance de son milieu, trouve le courage de fuir et de se construire, enfin.



Site d’Édouard Louis: http://edouardlouis.com/
Replay de l'émission "La grande librairie" du 07/01/16, où Edouard Louis a présenté son roman "Histoire de la violence": http://www.france5.fr/emissions/la-grande-librairie/diffusions/07-01-2016_446618

Commentaires

  1. A mon avis, c'est une histoire à lire. Mais cette histoire à l'air tout de même très dure à lire.

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